02/06/2010
ENTEROSCOPIE TOTALE VOIE BASSE
NOM, Prénom :O YMotif de l'endoscopie et données radiologiques : Patient présentant une sténose ulcérée iléale moyenne avec blocage de la capsule en amont de plusieurs sténoses ulcérées en entéroscanner.
Endoscope : Fujinon n° 16 Opérateur : Dr FREDERIC - Dr FASSLER - Pr GAY Anesthésie : AG - Dr REUT - DIPRIVAN
Préparation du malade : De bonne qualité TR : N ANUS : N RECTUM : N
JONCTION RECTO-SIGMOIDIENNE : N
SIGMOÏDE : N
CÔLON GAUCHE : N
ANGLE GAUCHE : N
COLON TRANSVERSE :N
ANGLE DROIT : N
CÔLON DROIT : N
CAECUM : N
VALVULE ILEO CAECALE :N
ILEON : Au niveau terminal, on constate sur environ 60cm un aspect d'hyperplasie nodulaire lymphoïde inhabituelle. On progresse jusqu'à l'iléon moyen où sont visualisées successivement deux sténoses fibreuses puis deux sténoses ulcérées non franchissables par l'endoscope et le surtube. Ces sténose sont régulières, concentriques, avec ulcérations circonférentielles régulières. Deux biopsies sont réalisées sur une de ces sténoses. La vidéo-capsule n'est cependant pas atteinte.
CONCLUSION : Sténoses multiples iléales moyennes dont certaines ont encore actuellement un caractère ulcéré. Pas d'aspect typique de maladie de Crohn. Entéropathie auto-immune ? Vascularite ? Voir histologie avant décision d'une mise sous corticoïdes.
Vandoeuvre, le 9 juin 2010
Comme convenu nous avons pris en charge M.O Y, né le 1987, qui posait le problème d'une anémie ferriprive chronique nécessitant une thérapeutique martiale de substitution.
Celle-ci s'inscrit depuis la naissance et s'associe à des troubles de la croissance et une malabsorption portant essentiellement sur les lipides et les vitamines liposolubles.
A l'occasion d'une vidéo-capsule pour laquelle vous demandiez une réinterprétation, il était mis en évidence une sténose ulcérée au niveau de l'iléon moyen. D'ailleurs, la capsule n'était pas expulsée au moment de l'examen.
Une première hospitalisation avait permis de confirmer le caractère spoliatif de l'anémie à 8,4g/dL d'hémoglobine, microcytaire, mais qui s'associait également à une thrombopénie (123000 plaquettes), un taux normal de globules blancs (4240) sans modification de la formule. Le bilan du fer était négatif avec des récepteurs solubles à la transferrine particulièrement augmentés à 3,71mg/L, témoignant de l'ancienneté de la spoliation. Le bilan hépatique était normal. On retrouvait une hypolipidémie en rapport avec une malabsorption. Il existait un syndrome inflammatoire qui contribuait à la genèse de l'anémie avec une CRP à 57,4mg. Il porte par contre les stigmates d'une Hépatite B guérie puisqu'il est Hbs et Hbc positif.
Sur le plan clinique, l'examen clinique digestif était normal mais on était frappé par l'existence de modifications des extrémités des membres supérieurs évocatrices d'une maladie de Pierre Marie.
Ce patient avait déjà été exploré dans le passé où son passage dans différents services avait permis d'éliminer des maladies hématologiques puisqu'il n'avait été retenu qu'un aspect de moelle discrètement myélofibrosante et d'autre part l'éventulalité d'une maladie de Crohn pour laquelle il avait été mis sous PENTASA, pris plus ou moins régulièrement, en particulier lorsqu'il existait une symptomatologie douloureuse abdominale.
Lors de la précédente hospitalisation, l'idée était d'aller dans la zone sténotique ulcérée mise en évidence en capsule, dans l'hypothèse d'une maladie chronique inflammatoire, non pas tellement une maladie de Crohn mais plus une maladie de Behçet compte tenu de son origine d'Anatolie Centrale.
En effet, le bilan morphologique complémentaire qui avait été pratiqué, en particulier l'entéroscanner n'apportait pas d'argument supplémentaire en ce qui concerne une maladie chronique inflammatoire puisque seules étaient mises en évidence des sténoses ulcérées, sans les signes associés que l'on a l'habitude de rencontrer dans la maladie de Crohn. Il est à signaler que cet entéroscanner retrouvait d'ailleurs la vidéo-capsule en fosse iliaque gauche dans la partie plutôt proximale moyenne de l'iléon.
Dans ce contexte, il a donc été réalisé une entéroscopie double ballon par voie basse qui a permis de retrouver un côlon strictement normal, en particulier le caecum et la région iléo-caecale. Il a été possible ensuite de parcourir l'iléon distal où on était frappé par la présence d'une hyperplasie nodulaire lymphoïde inhabituelle pour l'âge, traduisant la présence d'un processus inflammatoire évoluant de manière chronique. Aucune sténose n'était constatée au niveau de cet iléon distal et la progression dans l'iléon moyen retrouvait toujours cette hyperplasie nodulaire lymphoïde inhabituelle. Il était mis en évidence deux sténoses fibreuses et deux sténoses ulcérées non franchissables par l'endoscope et le surtube. Des biopsies ont été pratiquées. Pour l'instant nous n'avons pas procédé à une dilatation dans l'attente de connaître la nature exacte du processus étiologique sous-jacent. La capsule a été visualisée au travers de ces sténoses.
Au total, à la lumière de l'histoire clinique de ce jeune patient, de son ethnie, dse constatations des examens morphologiques et biologiques, on peut dire que l'on est devant une sténose jéjunale ulcérée chronique. Ce cadre étiologique bien sûr peut être idiopathique mais auparavant différentes causes doivent être éliminées. Les causes inflammatoires peuvent être rejetées, qu'il s'agisse de la maladie de Crohn ou de Behçet (groupage tissulaire en cours), une vascularite, une maladie coeliaque (absence d'aspect évocateur en endoscopie et anticorps négatifs), MICI (absence d'aspect évocateur au scanner et absence d'anticorps). Dans le même cadre, une entéropathie auto-immune a été éliminée (anticorps anti-entérocytes négatifs). A priori il n'y a pas de pullulation microbienne.
Cette entité correspond aux anciennes classifications de syndrome de Jeffries et de syndrome de Charles Debray et s'inscrit vraisemblablement dans un cadre, compte tenu du fait que les lésions existaient déjà dans l'enfance, des IPEX syndromes de type I ou II, c'est-à-dire au cadre nosologique des syndrome d'immuno-dérégulation, polyendocinopathie, entéropathie auto-immune liée au chromosome X, récessif.
Des biopsies ont donc été pratiquées au cours de l'entéroscopie par voie basse sur la zone pathologique. Je vous rappelle que l'entéroscopie par voie haute était normale, en particulier avait éliminé de façon définitive une maladie coeliaque. L'étude complémentaire biologique comporte une étude des lymphocytes T régulateurs, un groupage tissulaire HLA, une recherche génétique pour la mutation du gène FOX P3, une étude des sous-populations lymphocytaires du phénotype CD4+ CD25+, la mutation du gène FOX P3 entraînant la disparition de cette sous-population lymphocytaire.
Nous avons recherche bien sûr des associations morbides qu'auraient pu présenter ce patient. Nous en avons retenu une : les antécédents de manifestations dermatologiques de type atopique. Il n'y a pas par ailleurs de diabète insulino-dépendant ou auto-immun, ni de maladie infectieuse caractéristique. Nous n'ayons pas retrouvé non plus de maladie qui puisse appartenir au cadre des poly-endocrinopathies, qu'il s'agisse d'une maladaie d'Addison, de signes d'hyper ou d'hypothyroïdie. Par contre si on retient ce cadre nosologique, on peut expliquer la présence de la splénomégalie.
' Un certain nombre d'anticorps ont donc été recherchés et sont en attente de résultats, qu'il s'agisse des anticorps anti-insulines, anti-SAD 2, anti-TPO, de la recherche d'une hyperimmunoglobulinémie de type E et de tout le panel des anticorps anti-foie et anti-muscles.
Sur le plan thérapeutique, nous lui proposerons vraisemblablement une corticothérapie d'initiation, suivie d'un traitement immunosuppresseur qui fera appel au TACROLIMUS.
M.O sera donc revu en consultation pour rediscuter de la stratégie thérapeutique au reçu des résultats qui nous manquent.
Professeur G. GAY